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Capture d’écran 2021-03-02 à 20.10.44.

Bleu  

Texte de Justine Rochefort, interprète Anonyme

 

Ce soir, la lune est bleue. Le vent caresse mes cheveux en une vague difforme. Je ferme alors les yeux pour entendre son doux silence interrompu par la respiration de l’eau. J’enlève ma robe blanche, laissant ma carcasse nue et vide. Je marche alors sur le sable doux qui masque mes pas, invisible du monde et peut-être un jour de mon propre regard. Je sens alors un liquide froid se hisser à ma cheville, grimpant jusqu’à la berge pour y laisser une traînée d’algues noirs qui collent à la peau.

 

Je fais un pas de plus, traînant mon corps à contre-courant alors que l’écume m’agrippe comme une sangsue. Je fais alors un autre pas. Et un autre. Et un autre. Et un autre… Le trajet se fait de plus en plus difficile, des coquillages taillés comme des lames de rasoirs déchirent la paume de mes pieds et la houle m’emport au large où les vagues se font menaçantes. Je n’ai pas même le temps de réagir qu’un tsunami s’abat sur mon corps, écrasant ma chair par sa masse. Je déboule dans l’eau et tente de m’agripper au sol tant bien que mal. Les petits cailloux éraflent ma peau et les grains s’immiscent entre mes ongles pour me mettre à sang. Je tente de remonter vers la surface, mais une autre vague la précède et me broie sous son poids. L’eau salé s’introduit dans mes narines, brûlant ma gorge à vif, pour se mélanger au peu d’air dans mes poumons. Je dévale les collines de vase et m’enfonce dans les tréfonds de l’océan. J’ai la tête dans l’eau, les pieds dans le vide et j’étouffe.

 

Il n’y a plus de différence entre l’abime et l’espace. Je navigue dans Le Rien et je suis seule. Je vois au-dessus de mon abysse, quelque chose qui brûle mes yeux. Ma réflexion. Elle ne m’appartient pas, pourtant c’est mon corps que je vois. Je ne reconnais pas mes yeux, ma bouche, mes joues, mon nez… Mon échine se crispe et mon cou se tord avec effroi. Mon corps est trop lourd, la mer est trop lourde, la gravité est trop lourde et je m’enfonce. Je sens alors une larme qui n’appartient pas à l’océan rouler sur ma joue. Un flot coule de mon visage distordu et je me laisse dériver jusqu’à la surface. Mes bras et mes jambes se déploient pour me laisser flotter sur la baie. Mes larmes deviennent des pleurs et mes pleures se changent en une plainte aiguë. Mon torse se gonfle enfin pour me laisser prendre une bouffée d’air salin.  J’ouvre alors mes yeux pour contempler le continent azur. Je me laisse bercer dans les bras de la mer qui me chuchote l’espoir d’un renouveau.

BleuAnonyme
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